Jusqu’à ce que l’argent nous sépare : couple et finances, l'éternel tabou...
Parce qu’on ne peut pas éternellement vivre d’amour et d’eau fraîche, tous les couples doivent un jour ou l’autre aborder l’épineuse question du budget. Dans le nouveau podcast Rends l’argent, la journaliste Titiou Lecoq se penche sur cette source de conflits dans les ménages et ce qu’elle dit de nous.
Quand on aime, on ne compte pas, dit-on. Du moins au début. De fil en aiguille, le bienveillant «laisse, c’est pour moi» s’efface au profit de l’addition «séparée», de l’organisation des dépenses des vacances, des remboursements ponctuels via Lydia, voire parfois du compte joint. À travers son expérience personnelle et des témoignages d’experts et de couples, la journaliste et romancière Titiou Lecoq explore dans le podcast Rends l'argent (1) la façon dont le portefeuille structure le ménage, les rapports hommes - femmes. Et aussi, d’une certaine façon, l’individu.
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Un décalage d’éducation
Chez elle, pas de compte commun ni de prélèvements automatiques, les factures du couple s’entassent sur «le meuble à merdouilles» et se règlent de façon aléatoire, en fonction du partenaire qui passe devant ledit meuble - et des finances de chacun sur le moment. Titiou Lecoq l’avoue, elle fait partie des personnes mal à l’aise avec l’argent. Dans le premier épisode de son podcast, sorti le 20 octobre, elle s’interroge d’ailleurs sur ce «dernier tabou» qui pousse les couples à laisser le sujet sous le tapis le plus longtemps possible. Car l’affaire est loin d’être anecdotique : 40% d’entre eux ne discutent jamais d'argent, d’après les travaux de la sociologue Hélène Belleau.
40% des couples ne discutent jamais de l'organisation de leurs finances
Cécile et Julien, un couple de trentenaires interviewé, partagent un appartement, une petite fille et un tableur en ligne de leurs dépenses respectives. À l’heure où, selon l'Insee, deux ménages français prônent le tout commun, cette situation fait figure d’exception. L’éducation à l’argent joue un rôle important dans le rapport entretenu aux finances, nous apprend le podcast. Certains y gagnent grâce à l’expertise comptable de leur mère par exemple, tandis que d’autres développent des angoissesvis-à-vis du porte-monnaie, nourries notamment par les traumatismes d’après-guerre de leurs aïeux.
Un tue-l’amour
En creusant un peu plus, cette passionnante enquête nous fait comprendre que sortir la calculette en couple irait aussi à l’encontre de l’idéologie amoureuse. Demander des comptes à l’autre ou conserver son indépendance financière paraît à la fois égoïste et suspect, comme si l’on ne croyait pas que l'histoire pourrait durer. «Pourquoi l’amour nous empêcherait de protéger nos intérêts ?», se demande Titiou Lecoq. «C’est une question vraiment politique. Cela revient à se demander comment conjuger le collectif et l’individuel.»
Une affaire de sexe
Placé sous surveillance inconsciente du conjoint ou de la conjointe, le portefeuille pousse à mentir, à dissimuler certains achats à l’autre. Ce fut le cas pour l’historienne féministe Michelle Perrot qui avoue au micro avoir minimisé ses dépenses alors qu’elle gagnait plus d’argent que son mari. Une anecdote qui en dit aussi long sur les disparités hommes-femmes tenaces lors de la répartition des finances du foyer.
Les femmes sont responsables du budget et elles en sont aussi coupables
Pour cause, il faudra attendre 1965 pour qu'en France, les femmes mariées aient le droit d'ouvrir un compte en banque. Dans le deuxième épisode, diffusé mardi 27 octobre, Titiou Lecoq cherche à comprendre le poids de l’histoire dans le rapport des femmes à l’argent. Au XIXème siècle dans les classes populaires ouvrières, «elles sont responsables du budget et elles en sont aussi coupables», indique Michelle Perrot.
Et quand il y a un trou dans les finances, elles sont les premières à se priver. «Une femme dépensière contrevient à l’idée de la bonne ménagère, gestionnaire, qui doit être économe, rationnelle», ajoute l’historienne. Cette dernière était même tenue à l’écart jusqu’à la fin des années 1960 du temple de la finance, la Bourse.
En bonne héritière de ces inégalités, la journaliste souhaite, grâce à son podcast, maîtriser enfin les codes du «fric» et mieux les appliquer dans son couple. Pour cela, elle prendra conseil auprès d’un spécialiste dans le troisième épisode, diffusé la semaine prochaine et qui, il faut l’avouer, nous tient déjà en haleine.
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