Qu'est-ce qu'une condition suspensive ?
Une vente sous condition suspensive signifie que la vente produit des effets uniquement lors de la survenance de l’événement futur et incertain érigé en condition (article 1304 du Code civil).
Le contrat se forme dès l’instant où les parties se mettent d’accord sur les points essentiels de la vente (ex : chose vendue, prix de vente) mais il ne produit pas immédiatement tous ses effets. Pour en savoir plus sur la vente immobilière lire notre article.
La vente sous condition résolutoire ne doit pas être confondue avec la vente sous condition suspensive. Contrairement à l’accomplissement de la condition suspensive, l’accomplissement de la condition résolutoire entraîne l’anéantissement de l’obligation.
Lorsque le compromis de vente contient des conditions suspensives, la vente sera parfaite uniquement si les conditions se réalisent. Certaines conditions suspensives sont très courantes telles que la condition suspensive d’obtention de prêt et la condition suspensive de vente d’un autre bien immobilier. La condition suspensive dans un compromis de vente peut être liée à l’accomplissement de travaux ou à l’obtention d’un permis de construire également.compromis de vente pour un terrain.
Depuis la réforme du droit des contrats (ordonnance 2016-131 du 10 février 2016), certains changements sont à noter concernant l’effet rétroactif de la condition suspensive. Avant cette réforme, la réalisation de la condition avait un effet rétroactif, c’est-à-dire que tout se passait comme si les effets du contrat s’étaient produits dès sa formation. Désormais, la rétroactivité automatique de la condition suspensive n’existe plus.
Cela signifie que l’acheteur ne deviendra propriétaire qu’au jour de la réalisation de la condition suspensive et non plus au jour de la formation du contrat (comme c’était le cas avant la réforme).
Toutefois, si les parties le souhaitent, elles ont la possibilité de prévoir la rétroactivité de la condition au jour du contrat.
Si l’événement futur et incertain érigé en condition résolutoire se produit, le droit de propriété sur le bien (ex : l’appartement) est censé n’avoir jamais quitté le patrimoine du vendeur.
Il est fréquent de rencontrer une condition suspensive d’obtention de prêt dans un compromis de vente, l’acheteur ayant en général besoin d’un financement bancaire pour l’acquisition du bien.
I. La condition suspensive d'obtention du prêt
A. Mécanisme
La loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 dite loi « Scrivener II », codifiée dans le code de la consommation, (L 312-1 et suivants du code de consommation), a introduit un dispositif d’ordre de public, protégeant l’acquéreur emprunteur d’un immeuble.
En vertu de cette loi, l’achat par une personne physique ou morale de droit privé, d’un immeuble à usage d’habitation ou mixte professionnel et habitation,ou d’un terrain en vue d’y construire un tel immeuble, est réputé être soumis à la condition suspensive d’obtention d’un ou plusieurs prêts telle que prévue dans le code de consommation. C’est également le cas de la conclusion par ces mêmes personnes de marché de travaux d’entretien, de construction, réparation ou amélioration des immeubles, lorsque leur montant dépasse 21.500 euros, honoraires d’architecte compris.
L’acquéreur peut renoncer dès la conclusion du contrat au bénéfice de la condition suspensive par une mention manuscrite. Il pourra aussi renoncer à la condition suspensive en cours de contrat par une simple missive contenant la mention manuscrite.
Le champ d’application de ce dispositif est élargi aux professionnels de l’immobilier lorsqu’ils achètent dans le cadre de leur patrimoine privé.Les SCI sont la plus part du temps considérées comme exclues du dispositif, dans la mesure où la jurisprudence les considère comme des «professionnels ». La qualité de professionnel des SCI est en effet analysée par les tribunaux en fonction de leur objet social, et non en fonction de la qualité des associés. Si l’objet social s’avère trop général, ce qui est généralement le cas, les SCI même « familiales » seront exclues de la protection. (Voir Doc 3 Cass.1ère civ. 11 octobre 1994, N° 92-20563).
En cas de renonciation à cette condition suspensive, l’acquéreur qui décide de recourir néanmoins à un prêt ne bénéficiera pas de cette protection si le financement ne lui est pas accordé. Il restera lié au vendeur et engagera sa responsabilité s’il n’est pas en mesure de financer son acquisition (en ce sens 3ème Chbre Civ C Cass . 29 janvier 2014 Pourvoi n°12-28836).
Lorsque l’opération ne rentre pas dans le champ d’application de la loi « Scrivener II », la condition suspensive de prêt est facultative. Pour que l’acquéreur puisse en bénéficier, la condition doit être stipulée dans le contrat. Les modalités de la condition sont alors librement négociées. On peut néanmoins soumettre contractuellement cette condition aux articles L 312-1 et suivants du code de la consommation.
En effet, selon la jurisprudence, si les parties sont libres, sauf disposition contraire de la loi, de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le Code de la consommation des contrats de crédit qui n'en relèvent pas en vertu des dispositions de ce Code, du moins cette soumission doit-elle résulter d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque et dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond.
En pratique, on pourra à notre sens considérer que l’utilisation d’un modèle type de compromis vaudra sauf clause contraire extension de la protection légale.
B Régime
1. Le régime légal, article L 312-1 et suivants du code de la consommation
• Sa durée légale : La loi dispose que la durée de validité de la condition suspensive est au minimum d’un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou de l’enregistrement pour les Promesses unilatérales de vente.
• Les effets du défaut d’obtention d’un prêt : L’article L 312-16 alinéa 3 indique que : Lorsque la condition suspensive (…) n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié.
La loi ne prévoit pas expressément la caducité du contrat mais la sanction est prévue à l’article 1176 du code civil : Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. On verra toutefois que ce principe n’est pas toujours appliqué dans sa plénitude par la jurisprudence.
• Modalité de la condition suspensive : En dehors des deux précédents éléments, la loi ne prévoit rien quant aux modalités de la condition. Il n’y a notamment pas d’indications relatives aux diligences incombant à l’acquéreur dans l’instruction de sa demande de prêt.
A ce titre en cas de contentieux, les juges considèrent qu’il ne peut être imposé à l’acquéreur des obligations contractuelles de nature à accroître les exigences résultant du code de la consommation, notamment en les obligeant à déposer le dossier de crédit dans un certain délai (Document 4 Cass. 3ème civ. 6 juillet 2005 N°04-13381).
2. Les aménagements conventionnels de la condition légale
• Concernant la durée : Il semble nécessaire en pratique de prévoir un délai plus long que le délai minimum. Une durée de validité de deux ou trois mois paraît raisonnable, dans la mesure où les délais d’instruction des demandes par les établissements bancaires sont de plus en plus longs.
• Concernant le contenu de la demande de prêt : Au regard de la jurisprudence, les précisions concernant le contenu de la demande semblent les seules véritablement pertinentes.
Il est conseillé dans ce cadre de prévoir des fourchettes (durée, taux d’intérêt assurance, frais de dossier et de garantie compris,montant emprunté, montant des échéances mensuelles, visite médicale) et d’indiquer le montant des ressources de l’acquéreur. La diligence de l’acquéreur s’analysera en effet en fonction de la conformité de ses demandes à ces conditions
• Concernant le nombre de demandes : il est conseillé d’obliger l’acquéreur à demander deux ou trois offres de prêt simultanément, par opposition à des demandes successives. On remarquera que si la clause est rédigée de la manière suivante « l’acquéreur devra déposer une ou plusieurs demandes de prêt », on considèrera par une interprétation littérale que l’acquéreur peut valablement déposer une seule demande, (CA Paris, 2e ch. A, 13 juin 2007, n° 06/06337).
• Concernant les délais de dépôt et l’information de ses démarches : Une infinité de clause peuvent encadrer les diligences de l’acquéreur dans l’instruction de son prêt. Néanmoins le non respect des obligations imposées à cet effet à l’emprunteur ne pourra pas aboutir à la caducité de la vente si le prêt est effectivement obtenu avant les délais. On ne pourra pas non plus considérer de manière péremptoire que l’acquéreur est fautif en cas de refus de prêt. Il est conseillé de prévoir un délai minimum d’un mois entre la fin du délai de dépôt de la demande de prêt et celui fixé pour son obtention.
• Concernant la caractérisation de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive : Le Code de la Consommation étant muet sur ce point, il est possible de définir conventionnellement l’évènement qui permettra de constater la défaillance ou la réalisation de la condition suspensive. La rédaction de la clause est donc fondamentale.
On constate dans les modèles types une ambigüité au niveau de la notion « d’obtention de prêt » et également au niveau du dénouement de la condition suspensive, notamment lorsque l’acquéreur n’a notifié au terme du délai prévu, ni refus de prêt, ni "offre ferme" de prêt.
A ce titre des dispositifs contractuels permettent d’amener une certaine clarté dans le dénouement de la condition suspensive de prêt :
- Il est possible de caractériser la réalisation de la condition suspensive en faisant référence à l’obtention d’une « offre de prêt ferme », de façon à disqualifier les « accords de principe ». Cet aménagement a déjà été admis par la jurisprudence : « les parties avaient pris soin de préciser dans la promesse de vente les circonstances de la réalisation de la condition suspensive en se référant expressément au code de la consommation et qu’en respect des termes contractuels les époux Z... devaient obtenir une offre de prêt remise par écrit par l’établissement prêteur », Voir Doc 5 Cass.3ème civ. 7 novembre 2007 n°06-17589 et Doc 6 Cass.3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-19148). On peut au contraire choisir d’accepter les accords « de principe » et même « sous réserves ». Il sera alors prudent de prévoir un délai suivant obtention de l’accord de principe, pour que l’acquéreur transmette une offre ferme.
- Il est possible de pallier à l’inertie de l’acquéreur au terme du délai, en indiquant une date butoir suivant expiration du délai, et après mise en demeure, au-delà de laquelle à défaut pour l’acquéreur d’avoir informé, soit d’un refus de prêt, soit d’une offre de prêt, la vente sera considérée comme caduque de plein droit.
Cela n’exclut pas une réserve concernant d’éventuelles dommages et intérêts qui pourraient être dus au vendeur en cas de négligence de l’acquéreur dans l’instruction de son prêt. On notera cependant qu’il faut agir rapidement en justice afin de pouvoir justifier du blocage éventuel de l’acompte séquestré. En effet, dans cette hypothèse, si l’on considère que la vente est caduque, l’acquéreur peut réclamer la restitution immédiate de l’acompte en vertu de l’article L 312-16 du code de la consommation.
3. Le dénouement contentieux de la condition suspensive de prêt
En dehors du cas où le contrat prévoit une caducité de plein droit ou lorsque les parties se mettent d’accord pour résilier le contrat, le contentieux se déroulera sur la base de l’article 1178 du code civil : « La condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ». Dans cette hypothèse, la vente est toujours en cours, puisque la condition est « réputée accomplie ». De ce fait, le vendeur ne pourra pas se considérer comme libéré du contrat, ce qui l’empêche en pratique de revendre le bien tant que le contentieux ne s’est pas dénoué.
Par ailleurs, l’acheteur ne pouvant plus verser le prix, le vendeur devra demander la résolution du contrat et des dommages et intérêts, éventuellement forfaitaires, sur le fondement d’une clause pénale. La difficulté est alors de caractériser le comportement fautif de l’acquéreur, ce qui dans certains cas « limites » rend aléatoire le succès d’une action judiciaire. En pratique, quand le vendeur estime que l’acquéreur a été fautif dans l’instruction de sa demande de prêt, il faut d’abord demander son avis au « séquestre », c'est-à-dire bien souvent le Notaire, et envisager un règlement « à l’amiable ». A ce titre, un protocole de résiliation du contrat avec dédommagement du vendeur et éventuellement de l’agence immobilière pourrait être envisagé. A défaut d’accord, l’action judiciaire est inévitable puisque l’éventuel acompte versé auprès d’un séquestre, mandataire commun des parties, ne pourra être libéré qu’avec l’accord du vendeur.
Lorsqu’un contentieux relatif à la condition suspensive de prêt est soumis à un tribunal, le juge opère à une analyse globale du comportement de l’acquéreur et des circonstances. La jurisprudence est donc très disparate, d’autant que son appréciation est très différente selon qu’elle traite une opération soumise ou non à la loi « Scrivener II ».
a. Le refus de prêt
Lors d’un contentieux, les tribunaux procèdent à une analyse des causes du refus de prêt. Le débat porte sur la question suivante : les demandes produites par l’acquéreur à sa banque sont-elles conformes aux modalités de financement indiquées dans le contrat ?
La charge de la preuve des demandes effectuées, incombe à l’acquéreur. Selon la jurisprudence, la production d’une attestation laconique de la banque est insuffisante (Doc 7 Cass. 1ère civ. 7 mai 2002. n° 99-17.520 ; et Doc 8 Cass. 1ère civ. 30 janvier 2008 n° 06-21117 et Cass.1ère civ. 05 mai 2009 n°08-12757). On doit donc en pratique signaler à l’acquéreur, dès la conclusion du contrat qu’il devra garder une trace des demandes effectuées.
- Au regard de la jurisprudence il est possible de retenir la règle suivante : l’acquéreur est fautif si le contenu de sa demande ne respecte pas les conditions et modalités prévues au compromis. Il peut s’agir par exemple d’une demande de prêt d’un montant plus élevé (Doc 9 Cass. 3ème civ. 19 mai 1999 n° 97- 147529), d’une durée moins importante, soumis à un taux n’entrant pas dans la fourchette, ou à un échéancier plus bas.
L’acheteur pourrait également demander à la banque de bénéficier de conditions exceptionnelles non autorisées. Par exemple, l’acquéreur a été jugé fautif lorsqu’il demande une franchise de deux ans de remboursement, refusée par la banque (Cass. 3ème civ. 13 février 1999 N° 98-12.025).
- Néanmoins, cette règle de conformité de la demande avec les conditions contractuelles subie une exception. En effet, les juges admettent que l’acquéreur s’exonèrent de sa responsabilité, s’il parvient à démontrer, qu’il n’aurait de toute façon pas obtenu de prêt aux conditions prévues (Doc 11 Cass. 3e civ. 12 sept. 2007, n° 06-15640). En pratique, l’acquéreur pourra utiliser une simulation de sa banque prenant en compte les paramètres du contrat de vente et faisant apparaître un taux d’endettement supérieur aux standards habituels.
- L’acquéreur peut être considéré comme fautif lorsque le juge constate une collusion frauduleuse avec la banque : une banque refuse une demande de prêt sous prétexte d’un problème de santé affectant l’acquéreur, mais lui accorde un prêt d’un montant plus important, quatre mois après son refus (Doc 12 Cass. 3ème civ. 3 décembre 2002 N°0113103).
- La fausse déclaration de revenus dans le compromis, et plus particulièrement une surévaluation, est également considérée comme une cause anormale de refus de prêt. (Cass.3ème civ. N° 04-14616 ; 18 janvier 2006).
- Lorsque la demande est conforme, et que potentiellement l’acquéreur pouvait obtenir un financement, le juge va examiner la célérité de l’acquéreur dans l’instruction du dossier : par exemple le fait de n’avoir pas réalisé à temps les examens médicaux peut constituer une faute si le prêt a été refusé sur ce point. On peut aussi citer le retard ou le défaut de production de pièces demandées par la banque. On constate cependant que la jurisprudence considère que le seul fait de dépasser des délais de dépôt de demande n’est pas en soit fautif, si d’autres motifs ont causé le refus de prêt. On remarque donc que la célérité de l’instruction de la demande est appréciée au cas par cas, sans tenir compte du respect de clauses astreignants l’acquéreur à des démarches et preuves de ses diligences (Doc 14 Cass. 7 novembre 2007, n° 06- 14227).
Si l’acquéreur n’a reçu aucune offre de prêt conforme aux stipulations de la promesse, la condition d’obtention d’un prêt ne s’est pas réalisée, de telle sorte que la promesse est caduque (Cour d'appel VERSAILLES, 3ème Chambre, 22.11.2011, RG : 10/01480). Il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt de prouver qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans l'acte.
La jurisprudence applique fermement et constamment ce principe (Cass. civ. 3, 04-05-2016, n° 11-11339).
Dans un arrêt en date du 3 mai 2018 (Cass. civ. 3, 03-05-2018, n° 17-15.603), la Cour de cassation a apporté quelques précisions sur le contenu de cette preuve : l'acquéreur doit prouver qu'il a déposé une demande de prêt conforme aux stipulations contractuelles, c'est-à-dire une demande de prêt portant bien à la fois sur le montant, le taux, et la durée du financement mentionné dans la promesse de vente.
Il doit également produire des refus de prêt, mais peut très bien, si la lettre de refus n'est pas assez précise, compléter ultérieurement la preuve de ce que le refus de prêt portait bien sur un prêt répondant aux trois caractéristiques de montant, de taux et de délais, produire des attestations complémentaires de la ou les Banques qui ont refusé le prêt.
La Cour de cassation précise que la faute de l'acquéreur ne peut pas être retenue s'il n'a pas pu obtenir des offres de prêt conformes, s'il rapporte bien la preuve que sa demande était, elle, conforme.
L’acquéreur qui fait une demande de prêt immobilier d’un montant supérieur à celui indiqué dans le compromis de vente, et à un taux d’intérêt inférieur à celui mentionné, ne peut pas obtenir restitution de l’acompte versé lors de la signature de l’acte, pour défaut d’obtention du prêt.
Lors de la signature du compromis de vente pour l’achat d’un appartement, M. M, acquéreur, s’est engagé à déposer une demande de prêt sur 10 ans de 135 703 € avec un taux maximum de 4,2 %. Le courtier à qui il avait confié la recherche du prêt lui a indiqué qu’aucune suite favorable n’avait été donnée à sa demande de crédit. L’acquéreur a donc réclamé le remboursement de l’acompte qu’il avait versé, le jour de la signature du compromis de vente. Face au refus du vendeur, M.M. l’a assigné en répétition de l’indu et en dommages-intérêts.
Pour la Cour d’appel, la demande de financement adressée par M. M. au courtier n’était pas conforme à ce que le compromis de vente prévoyait, puisqu’il avait sollicité un prêt de 137 703 euros, soit un montant plus élevé de 2 000 € que celui mentionné dans l’acte. Il a également indiqué, dans sa demande, un « taux souhaité » de 3,15 %, soit un taux inférieur à celui prévu puisque le compromis prévoyait que un taux d’intérêts maximal de 4,20 %. L’acheteur n’ayant pas obtenu gain de cause, il s’est pourvu en cassation.
Saisie de l’affaire, la Cour de cassation a estimé que les juges d’appel avaient retenu, sans se contredire ni violer le principe de la contradiction, que le capital emprunté était d’un montant plus élevé et le taux demandé d’un montant inférieur à ce que prévoyait la promesse de vente et qu’ainsi la demande de prêt n’était pas conforme au compromis. En conséquence, l’acheteur ne peut pas obtenir restitution de l’acompte versé à la signature du compromis de vente.
Par conséquent, il est fondamental :
1) de demander au rédacteur de la promesse de vente de rédiger une condition suspensive "large", précisant "maximum" à côté du montant, du taux et de la durée, ce qui permettra d'élargir les possibilités de demande de prêt sans les figer sur un montant précis, un taux précis, une durée exacte ;
2) de faire ces demandes de prêt par écrit, et d'en conserver la trace;
3) en cas de refus, de demander expressément à la Banque d'établir une attestation reprenant le montant demandé, le taux demandé, la durée demandée.
Si, malgré ces précautions, le vendeur refuse de restituer l'indemnité d'immobilisation à l'acquéreur, ou exige le paiement de la clause pénale, l'acquéreur pourra, muni de ses éléments de preuve, saisir le Tribunal d'une demande de restitution des sommes séquestrées entre les mains du Notaire.
Il pourra également envisager d'engager la responsabilité de la Banque si celle-ci a commis une faute en établissant une lettre de refus de prêt non conforme aux stipulations contractuelles.
c. Le défaut de production d’une réponse favorable ou défavorable dans les délais
L’hypothèse d’une absence d’information par l’acquéreur du résultat de ses démarches est relativement fréquente. En effet, l’acquéreur indélicat préfère ne produire aucun document plutôt que de produire un refus de prêt fondé sur une demande non-conforme. L’inertie de l’acquéreur peut aussi avoir pour cause une demande de prêt présentée de manière tardive, ou pire, un défaut pur et simple de demande.
En principe, à défaut d’obtention d’une offre de prêt dans les délais requis, la condition suspensive est supposée avoir défailli, mais il y a une incertitude en l’absence de clause imposant un formalisme et un délai précis. On verra qu’il est possible que l’acquéreur ait obtenu un accord de prêt dans les délais sans en avoir informé le vendeur.
En pratique, Il est possible d’intervenir en amont du terme du délai, et proposer à l’acquéreur de renoncer à la condition suspensive de prêt, s’il ne peut pas produire d’offre. On peut aussi proposer aux deux parties de proroger par avenant la durée de validité de la condition suspensive
A défaut, lorsque le délai est dépassé, on doit partir du postulat que la condition a défailli pour susciter une réaction de la part de l’acquéreur. On peut à cet effet notifier à l’acquéreur que la condition est considérée comme défaillante par le vendeur et de ce fait la vente caduque. Cependant, si le vendeur considère que l’acquéreur est fautif, la condition est supposée s’être réalisée et que, s’il est dans l’incapacité de conclure l’acte authentique en temps voulu, il devra verser l’indemnité forfaitaire prévue au contrat.
Pour éviter les incertitudes, il est pertinent de prévoir dans l’acte un formalisme aboutissant à la caducité de la vente. Dans le cadre d’une promesse de vente qui stipulait que l'acquéreur devait justifier au vendeur de l'acceptation ou du refus du prêt par pli recommandé adressé au plus tard dans les cinq jours suivant l'expiration du délai convenu, les juges ont précisé que le vendeur devait avoir mis en demeure l’acquéreur pour appliquer cette clause. Se faisant, ce type de clause astreignant l’acquéreur à un certain formalisme a été validé, (Voir Doc 15 Cass. 3ème civ. 23 mai 2007 N° 06-14321). A l’inverse, dans une affaire où l’acquéreur a produit une offre de prêt trois jours après la mise en demeure, la condition a été jugée comme réalisée (Doc 16 Cass. 3ème civ. 23 mai 2008 N° 07-14764).
c. L’information tardive du refus ou de l’acceptation de prêt
Il existe une certaine subtilité dans cette matière dans la distinction entre la date à laquelle l’acquéreur est informé par la banque de l’obtention ou du refus de son prêt, et celle de la transmission de l’information au vendeur. Cet interstice dans la législation, laisse une certaine marge d’appréciation à la jurisprudence, et donc un certain trouble dans les solutions.
Lorsque l’acquéreur n’informe que très tardivement son vendeur d’un refus de prêt, et met ainsi en avant la défaillance de la condition suspensive, le vendeur a tendance à considérer que l’acquéreur est fautif. Il semble pourtant que la jurisprudence soit tolérante envers les acquéreurs qui tardent à informer les vendeurs d’un refus de prêt, puisque la Cour de cassation considère que ce retard ne suffit pas à caractériser la faute de l’acquéreur, il faut regarder les circonstances de ce retard, (Cass. 3ème civ. 11 mai 2006 n°05-12629). L’acquéreur pourrait en effet invoquer dans cette hypothèse la lenteur de la banque dans l’instruction de sa demande pour justifier du retard dans la délivrance des informations et pièces.
En cas d'émission ou transmission tardive de l’offre prêt, ’on mesure l’importance d’une description rigoureuse dans le contrat des conditions dans lesquelles les parties considèreront la condition suspensive comme réalisée. D’une manière générale, même si la jurisprudence semble s’équilibrer sur les conséquences d’un dépassement de délai, il semble audacieux pour un vendeur de se sentir libéré du simple fait de ne pas avoir été informé par son acquéreur de l’obtention du prêt.
En effet, la jurisprudence fait parfois preuve d’une certaine tolérance vis-à-vis de l’acquéreur retardataire, notamment en l’absence de clause de formalisme. La Cour de Cassation a par exemple admis la réalisation d’une condition suspensive alors que l’offre n’avait été émise et portée à la connaissance du vendeur que quatre jours après l’expiration du délai, au motif que la banque avait informé l’acquéreur de l’obtention de son prêt avant l’expiration dudit délai, ( Cass.3ème civ. n° 02-11815, 24 septembre 2003). On a vu une autre décision qui, pour admettre la réalisation « tardive » de la condition suspensive, a retenu notamment que les acquéreurs n’avaient pas été mis en demeure de produire une offre de prêt. Mais la Cour de cassation a considéré que ce motif était « surabondant ». Le seul motif de l’absence de clause imposant un formalisme spécial pour la notification, par les acquéreurs, de l’octroi de leur crédit bancaire, était suffisant pour dénier tout effet au dépassement du délai, (Cass. 7 novembre 2007, n° 06-11750). En effet lorsque la notion d’obtention de prêt n’est pas définie et qu’il n’est pas prévu de mécanisme de caducité de plein droit, la jurisprudence ne considère pas que la condition a défailli, si l’acquéreur transmet un accord de prêt dont la date est antérieure à l’expiration du délai.
Il n’est pas par ailleurs certain qu’une offre de prêt émise par la banque plusieurs semaines après la fin du délai ne soit pas efficace en cas de contentieux, notamment du fait de l’admission de plus en plus fréquente d’une prorogation ou d’une renonciation tacite de la condition suspensive.
La prorogation tacite du délai de réalisation de la condition suspensive est parfois retenue, notamment lorsque le vendeur ne réagit pas au dépassement du délai. Se faisant, l’acheteur peut faire constater que la vente est parfaite, le prêt ayant été obtenu dans les délais tacitement prolongés ( Cass. 3ème civ 7 juin 2000 N° 98-19773 et Doc 21 Cass. 12 septembre 2006 N°05-16317).
On a vu que l’acquéreur pouvait pendant le délai de réalisation de la condition, renoncer expressément au bénéfice de la condition suspensive de prêt. Parfois, les juges voient dans le comportement de l’acquéreur une renonciation tacite à la condition suspensive, ce qui a pour effet de faire échec à la défaillance de la condition suspensive. La Cour de cassation a pu en effet considérer que la clause selon laquelle le vendeur pouvait être valablement considéré comme dégagé de toute obligation à l’égard de l’acquéreur, dans le cas où ce dernier n’obtiendrait pas le prêt, n’autorisait pas le vendeur à invoquer l’absence de prêt pour refuser d’exécuter ses engagements, dans le cas où l’acquéreur avait toujours manifesté sa volonté d’acquérir (Cass. 3ème civ., 23 mars 2008 N° 07-12937).
Il ressort de ces observations deux lignes jurisprudentielles :
- L’insertion d’une clause imposant un délai extinctif pour la notification de l’octroi du prêt permet au vendeur de considérer la vente comme caduc après mise en demeure restée infructueuse.
- En l’absence de formalisme : seul l’acquéreur peut se prévaloir unilatéralement de la défaillance de la condition suspensive, le vendeur ne pouvant, à défaut d’accord, que la faire constater judiciairement, et l’acquéreur pouvant entre temps tenter de produire valablement une offre de prêt en confirmant sa volonté d’acheter.
Si des sommes ont été versées lors de la signature du compromis de vente et que la condition suspensive d’obtention de prêt ne s’est pas réalisée, l’acquéreur se verra rembourser sans délai l’intégralité des sommes versées.
II. La condition suspensive d’obtention d’un permis de construire
Lorsque qu’une transaction immobilière implique l’obtention d’une autorisation d’urbanisme, les intermédiaires professionnels ont une obligation d’information et de conseil accentués.
Les Notaires font régulièrement l’objet de mise en cause de leurs responsabilités, à la suite d’opérations ne pouvant aboutir, du fait de difficultés survenues postérieurement à l’acte authentique, concernant les autorisations administratives. Il est donc nécessaire d’anticiper ces difficultés à l’aide d’une condition suspensive d’obtention de l’autorisation d’urbanisme, purgée du recours des tiers et du droit de retrait de l’administration.
Une condition suspensive d’obtention d’un permis de construire paraît préférable au certificat d’urbanisme opérationnel. En effet, les effets de ce dernier sont limités, à la cristallisation pendant 18 mois des règles et taxes applicables au terrain, à l’exception des règles de préservation de la sécurité ou salubrité publique. Dans l’idéal, la condition doit porter sur l’obtention d’un permis de construire purgé du recours des tiers et du droit de retrait de l’administration.
Si les parties ne veulent pas attendre que le permis de construire soit purgé, il faut alors au titre de votre obligation de conseil faire mention du risque pris par l’acquéreur et même envisager les conséquences pour la pérennité de son projet.
Le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente qui ne lève pas l’option, faute de réalisation de la condition suspensive de son fait, est tenu au paiement de l’indemnité d’immobilisation (Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-17.267).
Les époux F... promettent de vendre leur maison d’habitation à une société B. Cette promesse et son avenant prévoient une faculté de substitution pour la bénéficiaire, l’obligation notamment pour celle-ci de déposer une demande de permis de construire avant une date convenue et une indemnité d'immobilisation.
La demande de permis de construire est déposée par une autre société et hors délai. Les promettants refusent de signer, sur la demande de cette dernière, le projet du notaire de proroger la date de réalisation des promesses et de régulariser la substitution des sociétés. Les époux F... assignent notamment le notaire et la société B. en paiement de dommages et intérêts, en réparation de leur perte de chance de vendre leur bien dans les termes de la promesse unilatérale.
La société B., bénéficiaire de la promesse, est condamnée à verser l’indemnité d’immobilisation contractuelle de 37 500 euros. Elle se pourvoit en cassation. Les époux reprochent quant à eux aux juges du fond de mettre hors de cause le notaire.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir condamné la société B. à verser l'indemnité d'immobilisation. Ayant souverainement relevé que l'absence de substitution effective à la date du dépôt de la demande de permis de construire, résultait de la proposition transmise à M. et Mme F... par le notaire prévoyant expressément une régularisation de la substitution entre deux sociétés, « la cour d'appel a pu en déduire que la société B. ne pouvait, au vu de ces éléments, soutenir que la condition suspensive aurait défailli sans faute de sa part alors que, s'étant engagée à déposer une demande de permis de construire avant le 31 octobre 2007, elle n'établissait pas avoir déposé cette demande, de sorte que la condition suspensive avait défailli de son fait ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef ».
La demande des époux de mettre en cause la responsabilité du notaire est quant à elle rejetée. Les « clauses insérées à la promesse unilatérale que M. et Mme A. avaient signée n’étaient pas d'une complexité telle que, même profanes en matière immobilière, ils n’eussent pu comprendre que la bénéficiaire ne s'était engagée à acquérir leur bien que sous diverses conditions suspensives, dont celle d'obtention d'un permis de construire purgé du recours des tiers dans un certain délai, que M. et Mme A. ne pouvaient davantage faire grief au notaire de n'avoir pas exigé le séquestre de l'indemnité d'immobilisation lors de la signature de la promesse alors qu'ils n'établissaient pas subir un préjudice spécifique résultant de ce manquement, notamment, du fait que la société B. serait insolvable, la cour d’appel a pu retenir qu’au vu de ces éléments, M. et Mme A. ne justifiaient pas leur demande de dommages-intérêts dirigée contre le notaire et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
IMPACT DU COVID-19
Les délais d’origine contractuelle ne sont donc pas affectés par l'article 2 de l’ordonnance du n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. Ainsi par exemple, le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité de celle-ci n’est pas prorogé, même s’il expire pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er de l’ordonnance.De même, les conditions suspensives fréquemment prévues dans les contrats, notamment en matière de vente, et dont l’accomplissement rend l’obligation pure et simple, ne sont pas affectées, même si le délai prévu dans le contrat pour leur accomplissement expire dans le délai visé à l’article 1er soit entre le 12 mars et l’expiration du mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.Il n’en va pas différemment pour la condition suspensive d'obtention d'un prêt prévue à l’article L. 313-41 du code de la consommation. Cette condition suspensive reste en effet d’origine contractuelle, même si la loi aménage cette condition. La loi prévoit seulement qu’en cas de financement de la vente par un prêt, l’obtention de ce prêt doit être une condition suspensive du contrat. Pour autant la condition reste contractuelle ; en outre la loi impose seulement un délai minimal pour l’accomplissement de cette condition, fréquemment allongé contractuellement. Au demeurant le mécanisme de la condition suspensive n’est pas un acte prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction. Par conséquent les conditions suspensives d’obtention d’un prêt dont le délai de réalisation arrive à échéance pendant la période juridiquement protégée ne sont pas prorogées. Il appartiendra aux parties de renégocier cette condition, le cas échéant, afin d’allonger le délai contractuellement prévu.
Sources : https://www.pap.fr/acheteur/compromis-vente/la-con...
https://immobilier.lefigaro.fr/annonces/edito/cons...
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fiche_technique...
Le 17 octobre 2018 mis à jour le 19 avril 2020
le contenu de votre actualité !