Remettre les clés avant la vente : quels risques ?
En principe la prise de possession du bien acheté intervient lors de la signature de l’acte notarié concomitamment au transfert de propriété et donc des risques (assurance du logement : dégât des eaux, incendie, vol, prise en charge des impôts locaux ; règlement des charges de copropriété). Cependant nombreux sont les acquéreurs qui une fois leur accord de principe de prêt obtenu, souhaitent commencer des travaux ou entreposer des meubles. Mais cette pratique est à bannir tant dans l’intérêt du vendeur que de celui de l’acquéreur…
Dans la plupart des cas, l’acheteur d’un bien immobilier en prend possession au moment de la signature de l’acte de vente chez le notaire. L’acquéreur acquitte le prix de vente, il devient propriétaire du bien.
Le vendeur lui remet les clés, et l’acheteur peut emménager immédiatement.
Il arrive, cependant, que le vendeur souhaite rester dans le logement après la signature de l’acte authentique, ou que, au contraire, l’acheteur demande à disposer du bien de façon anticipée. Ces situations nécessitent quelques précautions.
Entre la signature du compromis et l’acte authentique de vente s’écoule un certain délai durant lequel le vendeur reste en possession de l’immeuble. L’état dudit bien doit être semblable à celui dans lequel il se trouvait au moment du compromis et conforme à ce qui a été promis. Le vendeur ne peut donc apporter aucune modification qui puisse en modifier l'état. De plus, il doit apporter à l'immeuble tous les soins d'un bon père de famille.
La grande majorité des ventes immobilières prévoit un transfert de la jouissance concomitant avec le transfert de propriété, c'est-à-dire au moment de l’acte authentique de vente.
Ainsi, entre le compromis et la vente définitive d’un appartement ou d’une maison, il arrive que l’acquéreur veuille en user avant qu’il soit définitivement propriétaire. Cette jouissance anticipée se fait à travers une occupation des lieux, en effectuant des travaux ou encore en y entreposant du mobilier. A l’inverse, le vendeur désire parfois rester quelque temps dans le bien immobilier dont il n’est plus propriétaire. Dans ce second cas, on parlera de jouissance différée. Ces pratiques sont à proscrire tant dans l’intérêt du vendeur que de celui de l’acquéreur…
Le transfert des risques du bien immobilier (incendie, dégât des eaux, explosion…) est lié à la propriété, sauf convention contraire. Dès lors que l’entrée en jouissance diffère du transfert de propriété, il peut être judicieux de faire coïncider le transfert des risques avec l’entrée en jouissance.
Par ce biais, le propriétaire qui ne bénéficie pas de la jouissance de son bien n’aura pas à en supporter les risques.
Une convention sur le transfert des risques doit aller de pair avec une prise de contact préalable avec sa compagnie d’assurance. La partie qui prend en charge les risques doit être assurée afin d’éviter tout problème.
En cas de vente avec jouissance de l'acquéreur différée à une date ultérieure, il est également utile de prévoir une garantie pour assurer la libération des lieux à la date convenue. Une partie du prix de vente pourra par exemple être séquestrée par le notaire, jusqu’à ce que le vendeur libère effectivement les lieux. De même, il faut encadrer la durée, les droits et obligations du vendeur qui se réserve la jouissance après la vente. Enfin, il faut rappeler que la jouissance différée entraîne une charge augmentative du prix pour l’acquéreur, laquelle doit être quantifiée dans l’acte de vente.
Dans ce cas, c’est l’acheteur qui court le risque d’une non-libération des lieux à la date prévue dans l’acte notarié. Le notaire procèdera donc au séquestre d’une partie du prix pour protéger l’acquéreur et ne la reversera au vendeur qu’à la libération des lieux. Enfin, il faut rappeler que la jouissance différée entraîne une charge augmentative du prix pour l’acquéreur, laquelle doit être quantifiée dans l’acte de vente.
L’acheteur d’un bien immobilier est souvent pressé : pressé de trouver le bien idéal, pressé de signer, pressé d’avoir les clés, pressé de s’installer.En principe, la prise de possession du bien acheté inter-vient le jour de la réitération de la vente par acte authentique. Les délais induits par les formalités à accomplir étant de l’ordre de plusieurs mois, il est fréquent que l’acquéreur souhaite disposer des clés avant la réitération par acte authentique que ce soit pour réaliser des travaux, entre-poser des meubles ou toute autre raison. Cependant, cette pratique n’est pas sans risque.
Et que dire de la pratique de l’installation de l’acquéreur avant même la signature du compromis ? Elle est à proscrire car si la vente ne se fait pas, les acquéreurs potentiels de-viennent des occupants sans droit ni titre et seule une procédure d’expulsion peut les contraindre à partir.
A titre liminaire, il semble important - pour déterminer les risques inhérents à une remise des clés avant la vente - de rappeler qu’en vertu des articles 1196 nouveau et 1583 du code civil, la vente emporte deux effets immédiats, à savoir le transfert de la propriété et le transfert des risques, et ce quand bien même il n’y aurait ni paiement ni livraison. Le transfert de propriété du bien et de ses accessoires est – en principe – immédiat, mais soumis au système de la publicité foncière, qui rend le transfert opposable aux tiers. Quant au transfert des risques (incendie, vol, dégât des eaux...) attachés au bien, il est lié au transfert de la propriété dans la vente, mais il est possible de dissocier les deux. Cependant, s’il y a réserve de propriété, il est indispensable que le vendeur conserve les risques car, en vertu de l’article 1601 du code civil, la perte de la chose vendue avant transfert de propriété entraine la nullité de la vente. De plus, l’article 1197 nouveau du code civil prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable ». Bien entendu, en recevant les risques et la propriété du bien, l’acquéreur acquiert un droit sur les fruits de ce bien.
Les risques inhérents à cette pratique résident principalement dans l’hypothèse d’échec de la vente mais pas uniquement. A l’égard du vendeur, les risques sont majeurs, mais ils sont également importants à l’égard de l’acquéreur.
Si l’acquéreur se voit refuser son prêt et se maintient malgré tout dans les lieux, il devient occupant sans droit ni titre ce qui impose au vendeur d’engager une procédure d’expulsion à son encontre pour récupérer la possession de son bien. La vente du bien sera donc impossible ou du moins bien plus complexe pendant tout ce laps de temps. Dans une telle hypothèse d’échec de la vente, si l’acquéreur a commencé à réaliser des travaux, le vendeur va se retrouver avec des travaux à gérer et pourra même, dans certains cas, être condamné à indemniser l’acquéreur pour les travaux accomplis. Ce sera par exemple le cas si l’acquéreur évincé dé-montre que les travaux ont été réalisés avec l’aval du vendeur et ont permis l’amélioration du bien ou l’augmentation de sa valeur. De plus, le vendeur peut rencontrer des difficultés du fait de travaux non conformes ou inachevés qu’il devra gérer, autant de difficultés qui risquent de retarder la vente du bien.
Par ailleurs, la réalisation de travaux par l’acquéreur pourrait justifier que ce der-nier considère que le bien livré n’est pas conforme à celui qu’il a acquis. A cet égard, l’article 1604 du Code civil dispose que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». Le bien livré doit donc être conforme à ce qui est décrit dans le compromis de vente et si ce n’est pas le cas, le vendeur sera responsable des modifications apportées même si elles sont du fait de l’acquéreur. Il est donc important de refuser tous travaux entrainant des modifications substantielles ou touchant à la sécurité (électricité par exemple).
Si des travaux d’importance sont envisagés, il faut imposer à l’acquéreur de recourir à un maître d’œuvre et à faire le choix d’entrepreneurs qualifiés justifiant de leur assurance professionnelle et de leur solidité financière. Un autre risque résulte de la connaissance que l’acquéreur va avoir du bien du fait de son entrée en jouissance anticipée (voisinage, environnement, ou autre). Cela peut l’inciter à tenter de renoncer à son acquisition en invoquant un vice caché ou un vice du consentement (dol notamment) qu’il n’aurait découvert qu’en occupant les lieux. Par ailleurs, en cas de sinistre (incendie, dégât des eaux...), des problèmes d’assurance peuvent survenir. Notamment, la responsabilité du vendeur est – en principe – totalement engagée, mais si le sinistre est provoqué par l’acquéreur, l’assureur du vendeur peut refuser d’intervenir et le contrat d’assurance habitation de l’acquéreur risque de ne pas jouer si ce dernier occupe le logement sans aucun titre.
A l’égard des tiers, la question de la garde de la chose sera aussi évoquée. Toutes ces situations peuvent causer d’inextricables discussions qui, très probablement, ne se résoudront que judiciairement retardant encore une fois la vente sans pour autant que le vendeur dispose d’une quelconque indemnité. Enfin, en cas de décès de l’acquéreur, les héritiers peuvent vouloir récupérer le bien ce qui peut s’avérer très complexe.
Pour l’acquéreur, le risque principal que présente une entrée en jouissance anticipée résulte de l’engagement de sommes importantes pour réaliser des travaux dont il n’a aucune garantie d’en jouir. En effet, il est possible que l’acquéreur n’obtienne pas le remboursement des travaux réalisés, notamment si le vendeur démontre qu’ils ont été réalisés sans son accord. Bien plus, si les travaux se déroulent mal, le vendeur peut exiger une remise à l’état d’origine. De même, en cas d’échec de la vente, l’occupant acquéreur pourra être condamné à indemniser le vendeur pour le temps passé dans les lieux par le versement d’une indemnité équivalente au loyer. Cependant, d’autres risques existent. En effet, à défaut d’écrit, le bien n’est pas assuré puisque l’occupant n’est ni locataire ni propriétaire. Les biens entreposés ne sont donc pas couverts par une assurance. De même, en cas de dommage aux tiers, l’occupant-acquéreur n’est pas assuré et doit alors en assurer lui-même l’indemnisation s’il ne réussit pas à mettre en œuvre l’assureur du propriétaire. Enfin, si le bien est grevé d’une hypothèque qui est supérieure au prix de vente (logement ayant subi une dépréciation ou hypothèque judiciaire pour garantir des dettes), la mainlevée de l’hypothèque peut n’être que partielle et interdire la réalisation de la vente. Le montant engagé dans les travaux serait alors définitivement perdu. Ainsi, les risques pour l’une et l’autre partie sont importants et doivent être envisagés d’emblée.
D’ailleurs, et il s’agit d’un risque pour les deux parties, outre les problèmes de gestion courante et d’entre-tien du bien se posent également toutes les questions relatives au paiement de certaines dépenses (électricité, chauffage, taxe d’habitation, charges de copropriété). Naturellement, l’essentiel de ces risques peut être prévu et, par conséquent, l’établissement d’un écrit peut permettre l’entrée en jouissance anticipée.
Pour que cette occupation anticipée présente le moins de risque possible, il est indispensable de prendre des précautions importantes. Dans un premier temps, il est essentiel que la date d’entrée dans les lieux soit postérieure à la levée des conditions suspensives prévues par l’avant-contrat. Cela suppose donc que l’offre de prêt ait été signée par l’acquéreur, que le notaire ait purgé les hypothèques grevant le bien, que le document d’urbanisme ait été obtenu ou l’autorisation accordée... Dans un deuxième temps, il est essentiel que l’entrée en jouissance anticipée soit prévue par un écrit. Il peut s’agir d’un bail précaire, d’un prêt à usage ou d’une convention de mise à disposition du bien encore appelé « convention d’occupation précaire ». Quelle que soit la convention choisie, l’acte doit mentionner de nombreux éléments :
- l’identité des parties et la désignation du bien tels que prévus à l’avant-contrat de vente ;
- l’usage du bien ;
- l’acceptation de l’occupation anticipée par le vendeur ;
- la levée, par le futur acquéreur, de toutes les conditions suspensives, notamment celle du prêt ;
- qu’il s’agit d’une simple occupation dans l’attente de la réalisation de la vente définitive et qu’en aucun cas cette convention ne donne un droit de propriété ni un droit locatif sur le bien ;
- un délai de fin de convention qui coïncide évidemment avec la signature de l’acte définitif chez le notaire ;
- le prix de l’occupation, sauf si elle est gratuite, ainsi que le versement d’un dépôt de garantie ;
- l’indication que l’occupant devra souscrire une assurance multirisque d’occupant auprès d’une compagnie d’assurances et d’en justifier au bailleur ;
- qu’en cas d’échec de la vente, les lieux seront remis en état par l’occupant à ses frais ou conservés avec ou sans contrepartie financière par le vendeur ;
- les modalités de prise en charge du coût de toutes les fournitures et contrats d’abonnement pour l’eau, le gaz, l’électricité, etc... mais également - dans le cas d’une occupation à titre onéreux - le prorata de taxe foncière et de charges de copropriété à compter de la prise de possession. Rappelons que dans l’hypothèse du prêt à usage, l’occupation doit être gratuite, ce qui suppose que seul le montant des charges locatives peut être demandé ;
- l’indication de la durée de la convention ou, à tout le moins d’une date butoir impliquant la restitution des lieux vides de toute occupation avec astreinte journalière ;
- les conditions de la restitution du bien ;
- les cas de résiliation du prêt à usage (décès du bénéficiaire, non réitération de la vente par acte authentique dans un délai donné...);
Si des travaux d’importance sont envisagés, il faut prévoir une clause obligeant l’occupant à justifier auprès du propriétaire du maître d’œuvre auquel il recourt ainsi que du nom des entrepreneurs et la justification de leur assurance professionnelle.
Si le bien est en copropriété, les travaux sur parties communes doivent être interdits car ils nécessitent l’accord préalable de l’assemblée générale.
Pour finir, il convient d’être attentif aux éventuelles conséquences fiscales de l’entrée en jouissance anticipée car celle-ci peut être considérée comme une mutation au sens fiscal, et doit – à ce titre – être déclarée à l’administration fiscale dans un délai d’un mois à compter de cette prise de possession, ce qui rend les droits de mutations exigibles dans ce même délai. Dans un troisième temps, il faut établir un état des lieux contradictoire au moment de l’entrée en jouissance. Au regard de tous ces éléments, l’entrée en jouissance anticipée doit être déconseillée tant aux acquéreurs qu’aux vendeurs compte tenu des risques importants que cela présente pour l’une et l’autre partie. Si toutefois cela s’avère essentiel, il convient de :
- Prévoir un contrat écrit extrêmement détaillé qui sera utilement rédigé en lien avec le no-taire en charge de la vente,
- Vérifier les assurances et ce qu’elles couvrent,
- Limiter les travaux autorisés à l’acquéreur à de petits travaux.
Cette problématique de l’entrée en jouissance anticipée ne se pose que peu en matière de location, mais s’il arrive qu’on la rencontre, elle pose le même type de difficultés, notamment au regard des problématiques d’assurance.
Sources : http://blog.leggett-immo.com/communique/rubrique-j...